
L'open web existe encore. Techniquement, il va même bien : 1,8 milliard de sites actifs, des milliards de pages indexées, des millions d'articles publiés chaque jour. Le problème, c'est qu'il ne nourrit presque plus personne. Les créateurs migrent vers Substack, les marques concentrent leurs budgets sur Meta Ads, les éditeurs multiplient les paywalls, et Google transforme progressivement son moteur en plateforme fermée. Ce n'est pas une question de nostalgie. C'est une question de viabilité économique. Voici pourquoi l'open web s'est effondré comme modèle de monétisation, qui s'en sort quand même, et surtout : comment faire partie de ces survivants.
Avant de parler économie, clarifions rapidement ce dont on parle.
L'open web, c'est tout ce qui sur Internet est :
En gros : les sites, les blogs, les médias en ligne, les boutiques e-commerce indépendantes.
Le web fermé (ou walled gardens), c'est l'inverse :
La différence fondamentale : sur l'open web, vous possédez votre distribution. Sur le web fermé, vous louez votre visibilité à un algorithme.
Tout le monde parle de "la mort de l'open web".
En réalité, le web n'est pas mort. Il est juste devenu économiquement invivable pour 95% des acteurs.
En 2010, un site avec 100 000 pages vues/mois pouvait espérer 2 000-3 000€ de revenus publicitaires (display classique).
En 2025, le même trafic génère entre 200 et 500€.
Les CPM (coût pour mille impressions) ont chuté de façon vertigineuse :
Pourquoi ? Parce que l'offre d'espaces publicitaires a explosé (des milliards de pages), tandis que la demande s'est concentrée sur quelques plateformes (Google, Meta, TikTok).
Résultat : le modèle "faire du trafic + monétiser en display" ne fonctionne plus, sauf pour les très gros volumes (plusieurs millions de visiteurs/mois).
Dans le même temps, acquérir du trafic est devenu hors de prix.
Les CPCs (coût par clic) sur Google Ads ont augmenté en moyenne de 60-80% entre 2019 et 2025, selon les secteurs. Sur certaines verticales (assurance, finance, B2B SaaS), un clic coûte 15-50€.
Pour qu'un site e-commerce ou un média reste rentable, il faut donc :
La plupart des acteurs n'ont aucun de ces trois leviers. Ils dépensent plus qu'ils ne gagnent.
Le SEO reste viable, mais les volumes ont chuté.
Selon les données consolidées de plusieurs études (SparkToro, SimilarWeb, Sistrix), environ 60% des recherches Google en 2025 se terminent sans clic sortant. L'utilisateur trouve sa réponse directement dans :
Pour les sites qui vivaient du SEO, ça veut dire :
Bref : si vous n'êtes pas dans le top 3, vous n'existez pas.
L'affiliation, qui permettait à des milliers de sites de vivre (comparateurs, guides d'achat, reviews), est elle aussi sous pression.
Amazon a réduit ses commissions de 8% à 3-4% sur la plupart des catégories. Les autres programmes suivent. Et Google pousse de plus en plus ses propres modules Shopping, court-circuitant les sites affiliés.
Les acteurs qui s'en sortent encore sont ceux qui ont :
Les autres périclitent.
L'open web n'est pas mort. Mais il s'est segmenté en deux mondes.
Les acteurs qui réussissent encore sur l'open web ont tous un point commun : ils ne dépendent plus du trafic aléatoire.
Exemples :
Leur modèle : trafic organique initial (SEO, social), conversion en abonnés email, monétisation directe (abonnements payants, sponsoring premium).
Leur force : contenu exclusif impossible à trouver ailleurs, relation directe avec les lecteurs.
Leur logique : le contenu n'est pas monétisé directement, il sert à attirer et convertir vers un produit/service à forte marge.
Leur secret : audience hyper-qualifiée, engagement fort, monétisation indirecte (acquisitions, placements premium, services B2B).
Ces acteurs partagent plusieurs caractéristiques :
Ce qui exclut 90% des projets web actuels.
Si vous voulez exister sur l'open web sans dépendre d'un algorithme ou d'une plateforme fermée, voici les seules stratégies qui fonctionnent encore.
Tout le monde dit "faites une newsletter", mais peu le font correctement. Alors comment faire ?
Le SEO n'est pas mort, mais il s'est radicalement transformé.
Outil : Ahrefs, SEMrush, ou Ubersuggest pour l'analyse
Cas d'usage réel :Un site de niche sur "le matériel de bikepacking" peut cibler :
Avec 50 articles de ce type, il peut espérer 5-10k visiteurs/mois après 12 mois, et monétiser via affiliation matériel (commissions 5-10% sur des achats moyens de 100-500€).
Revenu potentiel : 1000-3000€/mois.
Les IA sont excellentes pour synthétiser des infos publiques. Elles sont nulles pour :
1. Études de cas détaillées
Format : "Comment j'ai [résultat concret] en [durée] : analyse complète avec chiffres, erreurs, et leçons"
Exemple : "Comment j'ai généré 50k€ de CA avec une boutique Shopify en 6 mois : budget, sources de trafic, erreurs à éviter"
2. Données propriétaires
Exemple : "Analyse de 10 000 annonces Google Ads en 2025 : les patterns qui convertissent vraiment"
3. Comparaisons terrain
Format : "J'ai testé 10 [produits/outils/méthodes] pendant [durée] : voici les résultats"
Exemple : "J'ai testé 10 outils de cold email pendant 3 mois : taux de délivrabilité, coût réel, ROI"
4. Documentation technique approfondie
Les IA sont mauvaises sur les cas edge, les bugs spécifiques, les configurations complexes.
Exemple : "Configurer Next.js 14 avec Supabase et Stripe : guide complet 2025 (avec les vrais problèmes et leurs solutions)"
Pourquoi ça marche :
Si vous comptez encore sur Google AdSense ou les réseaux display classiques pour vivre, vous êtes déjà mort économiquement.
Alternatives :
Option A : Affiliation directe avec les marques
Évitez les plateformes (Amazon Associates, Commission Junction). Négociez directement avec les marques pour des commissions 2-3x plus élevées.
Exemple : Au lieu de 3% sur Amazon, négociez 10-15% en direct avec la marque.
Option B : Vente de produits/services dérivés
Benchmark : avec 5000 visiteurs/mois et un taux de conversion de 1%, vous vendez 50 produits/mois. À 50€/produit = 2500€/mois.
Option C : Sponsoring direct
Si vous avez une audience qualifiée (B2B, tech, finance), les marques paient 500-5000€ pour un article sponsorisé ou un placement.
Option D : Modèle freemium/premium
Exemple : 10% de vos lecteurs passent en premium à 10€/mois = avec 1000 lecteurs actifs, ça fait 1000€/mois récurrent.
Avant de conclure, voici les pièges classiques qui tuent 90% des projets sur l'open web.
Erreur 1 : Attendre le trafic avant de monétiser
Ne comptez pas sur "je vais faire du trafic, puis je monétiserai". Définissez votre modèle économique AVANT de produire du contenu.
Erreur 2 : Copier les modèles qui ne marchent plus
"Je vais faire un blog lifestyle avec de la pub display" = mort assurée. Les CPM sont trop bas, la concurrence trop forte.
Erreur 3 : Sous-estimer le temps nécessaire
Construire une audience prend 12-24 mois minimum. Si vous n'êtes pas prêt à investir ce temps sans ROI immédiat, ne commencez pas.
Erreur 4 : Ne pas mesurer
Sans tracking propre (GA4 + CRM + attribution claire), vous pilotez à l'aveugle. Investissez dans une stack de mesure dès le départ.
Erreur 5 : Abandonner la newsletter
80% des gens créent une newsletter, envoient 3 emails, et arrêtent. La régularité est la seule chose qui compte.
L'open web ne ressemble plus à ce qu'il était en 2010. Et c'est normal.
Le modèle "faire du contenu → attendre du trafic Google → monétiser en pub display" est obsolète depuis 2020.
Ce qui marche aujourd'hui, c'est :
Les acteurs qui survivent ne sont pas ceux qui ont le plus de trafic, mais ceux qui ont l'audience la plus fidèle et la monétisation la plus directe.
L'open web est toujours là. Il est juste devenu un business de niche, pas de masse.